Histoires de murs
Grotte de Lascaux - Peintures pariétales © PIERRE LAPORTE COMMUNICATION/SDP - Article paru dans l’Express
Depuis l’aube des temps, l’ornement, les symboles, le décor peint, la fresque, les enduits colorés et chatoyants sont partout. Ils s’offrent à notre regard admiratif.
À L’époque du paléolithique, l’Homme reproduisait des scènes du monde extérieur, puis l’Antiquité Égyptienne, grecque ou romaine, posaient les premières règles de base des décors.
Les Romains ont décoré leur maison avec des peintures murales et des trompe-l’oeil.
Les décors muraux des fameuses Domus de l’Antiquité Romaine constituent des facteurs d’intégration, de lien social et culturel, de communication, d’hospitalité, pour les élites politiques et commerçantes locales de l’époque.
Décors muraux - Antiquité égyptienne
© Patrick Landmann/LookatSciences
Décors muraux - Fresques de Pompéi © Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Pompei, Ercolano e Stabia
L’éthique du décor est la vie même dans l’Europe de la Renaissance ou des Lumières.
La Renaissance introduit la perspective et les peintures donnent l’apparence de la réalité. Les « influenceurs» de l’époque insufflent une peinture romantique, onirique, nouvelle et inspirante.
Trompe l’oeil Renaissance - Villa Farnèse
© Destination Rome
Chinoiseries XVIIIe siècle
© proantic.com
Mais la Révolution industrielle, la modernité opèrent un changement de paradigme culturel qui accompagne le changement politique, économique et social. L’éthique du décor laisse la place à l’éthique du matériau.
Les années 20, avec l’Art Déco, apportent un style plus rationnel; le modernisme, un goût renouvelé pour la couleur et les matières. Le décor peint devient plus accessible, se rationalise et s’industrialise au service de l’idéologie de la structure et du fonctionnalisme.
L’art se dilue dans l’industrie culturelle.
Les années 50/60 font du décor un argument marketing pour l’habitat et le business.
Le matiérisme et l’Art Brut se développent utilisant des matériaux non traditionnels pour un art informel ou une figuration libérée.
Le Pop Art introduit sur nos murs la bande dessinée.
Intérieur Art Nouveau
© Getty Images / Andreas von Einsiedel
Les Hôtels particuliers, puis les Demeures de Maître, ne parviennent pas à perpétuer le caractère ostentatoire du décor au coeur de la vie sociale et des modes de vie.
Inexorablement, depuis le milieu du XXème siècle, qui a vu l’explosion d’un design démocratisé, nous assistons à une véritable paupérisation des traitements décoratifs des lieux de vie. En particulier, la place du décor dans la maison perd de sa suprématie avec la disparition du goût pour le raffinement des sociétés pré-industrielles et de leur classe bourgeoise.
La rationalité marchande, l’émancipation technologique, la révolution numérique, l’industrie culturelle uniformisent les modes de vie et « artificialisent» aussi les habitats.
L’esthétique du décor, avec les ateliers d’artisans, a quitté les quartiers des villes pour rejoindre les secteurs du luxe, les projets d’exception ou de standing réservés à une élite culturelle.
Le décor, dans cette production de masse, a suivi lui aussi le chemin de la grande distribution, amputé au passage de la singularité de son histoire, de ses acteurs, de sa liberté créative.
Les années 1960/70 illustrent souvent un homme moderne évoluant dans un univers neutre et fonctionnel, minimaliste.
Les années 90 démocratisent avec la grande distribution les marqueurs du décor.
Intérieur Pop Art - Villa Tommy Hilfiger
© Coldwell Banker
Intérieur Street Art
© Planet Deco
Peut-être est-ce parce que nos intérieurs sont corsetés, que surgit le Street Art, qui s’empare des murs tristement dénudés des villes ou banalisés par les slogans publicitaires, pour imposer un art brut et spontané.
Bientôt nombre d’études sociologiques, de statistiques souvent liées au monde du travail et aux ressources humaines d’une économie productiviste, mettent à présent en évidence l’importance du décor au sein des bureaux et lieux d’activité.
Dans la maison, l’influence du « Feel Good » fait émerger de nouvelles disciplines : la décothérapie par exemple.
Parce qu’il représente un refuge de l’extérieur, un espace de convivialité, de bien-être, de passions pour les occupants d’un lieu, ces derniers cherchent constamment à humaniser leur cadre de vie.
Trompe l’oeil - Matière briques
© Scenolia
Obed Buffet Restaurant Saint-Petersbourg
© Design Feria